Arabie Saoudite : la place toujours ambiguë des femmes dans la société
- instemps69009
- 8 déc. 2017
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 déc. 2017
Sous tutelle de leur mari, ne pouvant divorcer, ne pouvant posséder leur propre compte bancaire : les Saoudiennes sont toujours opprimées. Pourtant le pouvoir saoudien a récemment été applaudi pour sa décision d’autoriser les femmes à conduire. Si le gouvernement compte pousser sa politique répressive vers la sortie, ces avancées ne seraient-elles que de la poudre aux yeux ? Dans un Etat régi par un Islam très strict, la femme a encore du mal à se faire une place dans un pays qui oscille entre modernité et traditions.

Souvent opprimées et effacées, la question des femmes en Arabie Saoudite dérange. Pays riche, pétrolier, aux nombreuses ressources, et étant un bon partenaire commercial pour plusieurs grandes puissances mondiales, l’Arabie Saoudite s’est imposée comme un lieu de business mondial. Cependant, derrière sa façade où l’argent est roi, la vérité ferait peur à voir. A peine autorisées à conduire, les femmes sont muselées par le gouvernement saoudien. De la conduite mais pas trop, de l’autonomie mais pas trop, des apparitions en public mais pas trop et par-dessus tout : de la politique, enfin... mais pas trop.
Pourquoi la femme saoudienne est-elle si opprimée ? Le pouvoir saoudien a-t-il tout simplement peur des femmes ? À l’heure où la parole se libère et où les femmes sont mises sur le devant de la scène médiatique pour défendre leurs droits, l’Arabie Saoudite autorise tout juste ces dernières à conduire. Une nouvelle qui a fait couler beaucoup d’encre. Si à chaque fois, les médias saluent l’initiative, se pourrait-il que tout ceci ne soit qu’un leurre ? Entre manipulations politiques et interprétations de la Religion, la femme ferait-elle peur aux puissants Saoudiens ? Et si oui, pourquoi ?
Droit des femmes en Arabie Saoudite : une question de chance ?
En Arabie Saoudite, la liberté des femmes pourrait s’apparenter à une simple question de chance. En effet, ces dernières sont sous la tutelle de leur époux ou de leur famille. Ainsi, avoir un tuteur plus compréhensif, respectueux et qui prône la modernité permet ainsi à l’épouse d’acquérir de nombreux droits. À l’inverse, si l’épouse se voit mariée à un homme proche des traditions, il y a peu de chances que cette dernière puisse vraiment avoir une liberté au sens le plus strict du terme. Légalement, une femme doit obtenir la permission de son tuteur pour : voyager, ouvrir un compte, être opérée, avoir un passeport ou encore étudier à l’étranger. La liste est malheureusement encore très longue. La levée de l’interdiction de conduire n’est donc qu’une infime avancée.
Légaliser la conduite pour les femmes : avancée égalitaire ou stratagème politique ?
Si beaucoup de médias internationaux se félicitent d’une telle décision qui prendra effet en juin 2018, la réalité sera légèrement moins paritaire. En effet, à l’heure actuelle, le roi Salmane a annoncé que les femmes pourraient conduire mais vont-elles pouvoir être seules au volant sans leur tuteur pour les accompagner ? Quand et comment vont-être construites les écoles de conduite pour les femmes ? Rappelons qu’il ne faut pas mélanger hommes et femmes.
En creusant un peu, on découvre très vite que cette autorisation serait également engagée pour des raisons économiques. Le pays achète de plus en plus de biens immobiliers à l’étranger, pour être sûr d’avoir une source de revenus lorsqu’il n’y aura plus de pétrole, mais en attendant ce dernier est toujours là. Ainsi, pour renflouer les caisses avec toutes ces dépenses, quoi de mieux qu’autoriser les femmes à conduire ? Plus de conducteurs, ce sont plus de candidats pour passer le permis, plus de voitures vendues et plus de pétrole acheté : CQFD...

Politique et religion étroitement mêlées
Là encore, si la décision du roi Salmane d’autoriser les femmes à conduire est saluée, la société mondiale a tendance à oublier que si une telle répression s’exerce aujourd’hui, c’est que le pouvoir en place est intimement lié au pouvoir religieux. Par ailleurs, il est vrai qu’il est plus facile de diriger un pays comme on l’entend lorsque l’on s’appuie sur la religion puisque cette dernière rassemble et polarise plus les foules. Si aujourd’hui le Prince héritier, Mohammed ben Salmane, souhaite retourner à un islam modéré, la question des femmes n’a été que partiellement traitée. Lors d’une conférence, MBS a annoncé : « Nous voulons vivre une vie normale. Une vie où notre religion signifie tolérance et bonté ». Une façon de réécrire l’histoire du Wahhabisme. Or, même si plus de la moitié de la population saoudienne est âgée de moins de 30 ans, l’islam rigoriste est toujours au goût du jour. Cependant, une telle volonté ne serait-elle pas le désir caché d’arriver plus facilement au pouvoir, tout en mettant la population dans sa poche et en écrasant ses adversaires. Ainsi, la population est en grande majorité âgée de moins de 30 ans, il faut donc prôner une politique légèrement plus laxiste, tout en prenant le contrôle de l’opposition. C’est ce qu’a fait MBS lorsqu’il a mis en place une « purge contre la corruption ». Il s’agissait ici d’un simple prétexte pour écarter ses opposants.
De par la loi islamique : « La part d’une fille correspond à la moitié de l’héritage d’un fils »
En Arabie Saoudite, l’Islam est omniprésent dans cette société. Les femmes sont les premières visées par les lois musulmanes exercées dans le pays : toutes doivent porter le « abaya », un grand tissu noir qui doit recouvrir l’intégralité du corps de la femme ainsi qu’un voile qui couvre les cheveux. Cette tenue est considérée comme indispensable si les femmes souhaitent être considérées comme décemment habillées. En plus des habits, aux yeux de la loi, une femme vaut moins qu’un homme, lors des successions par exemple : « La part d’une fille correspond à la moitié de l’héritage d’un fils ».
Les Saoudiennes ou le Soft Power du régime
Au vu de toutes ces explications, on peut désormais considérer que les femmes sont uniquement considérées comme un moyen justifiant une fin. Le moyen, ce sont donc les femmes et la fin : c’est l’image que renvoie l’Arabie Saoudite au monde. En effet, le régime de Riyad l’a bien compris, pour négocier avec les grands de ce monde, il faut refléter un minimum de culture occidentale. De plus en plus, le prince héritier MBS fait oublier la politique stricte et répressive de ses successeurs pour ouvrir le pays à la modernité. Mais cette volonté n’émerge pas seulement de la bienveillance ou du souci du prince pour la position des femmes dans la société saoudienne ; non, ceci n’est qu’un mirage. Il est plus facile de marchander avec un pays qui nous ressemble et qui fait gagner de l’argent, et ça, l’Arabie Saoudite semble l’avoir assimilé. Autoriser les femmes à conduire, à se rendre dans des stades de sport, etc. Tout est mis en place pour adoucir l’image du pays quelque peu autoritaire.
Le régime saoudien l’a bien compris : pour s’imposer, mieux vaut utiliser la manière douce. Depuis la Guerre froide, on ne s’impose plus par la taille de son armée, ou encore la grandeur de son territoire. On utilise un moyen plus moderne : le Soft Power. Cette technique qui s’oppose au Hard Power, consiste à convaincre par la culture et non pas par la force. Ainsi, faire de l’Arabie Saoudite un pays ouvert et tolérant permettra au gouvernement d’être mieux perçu par ses pairs et d’avoir plus de chances d’obtenir des partenaires financiers. Le pays étant connu pour sa position très stricte en ce qui concerne les femmes, il a donc décidé de « frapper fort » en changeant les mœurs et en faisant parler de lui en bien. Une technique que semble apprécier MBS qui fait tout son possible pour que son (futur) pays devienne attractif et attirant pour les trentenaires, qu’il s’agisse du tourisme ou même du business. Il semblerait que tous les moyens soient bons pour mettre en avant l’Arabie Saoudite sur la scène internationale.
Malia COUTAND
Crédit première photo : © Faisal Al Nasser / Reuters - des femmes saoudiennes en ville
Crédit deuxième photo : © Faisal Al Nasser / Reuters - Les Saoudiennes assistent pour la première fois à un rassemblement pour célébrer la 87ème Fête nationale annuelle de l'Arabie Saoudite à Riyad, l'Arabie Saoudite le 23 septembre 2017.
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